lundi 12 novembre 2007

Émue

Je suis une personne émotive moi.

Et parfois, rarement, je suis émue.

Je vois une toile, j'entend quelque chose, je vois une image.

J'en ai les larmes aux yeux. Ça fait chaud en dedans, comme quand on aime.

Et on a envie de pleurer en se souriant jusqu'aux oreilles.

Et on a l'impression qu'on se déchire, que notre intérieur veut sortir, dérouler.

Que son sternum s'échappe, en se flétrissant, de notre poitrine. Qu'on explose au ralenti.

C'est comme aimer, mais aimer des choses plutôt que des gens.

Ça m'était arrivé avec Hope II de Klimt, magnifique peinture qui m'a fait pleuré plus d'une fois.



Ça m'était aussi arrivé avec cette chanson de Arcade Fire, my body is a cage



Ça m'est arrivé plusieurs fois en fait. Comme aux nuits blanches à Montréal, quand j'étais partie sans le dire à ma maman à Montréal pour la nuit et que j'étais entrée dans cette église où l'orgue résonnait bon le Charles-Marie Widor.

Jouissance intérieure.

En fin de semaine, ça m'est arrivé, mais avec un humain.

Vous vous attendez tous à ce que je dise que c'était mon amoureux hein?

Même pas.

C'était un bébé que j'ai vu dans une allée au Winners, en magasinant.

J'étais tannée, j'avais chaud, faim, j'étais blasée, complètement écoeurée, j'avais envie de tuer tout le monde.

J'aime pas les enfants, ni les bébés, ni les vieillards. Ils puent, ils me stressent, j'ai envie de les éliminer.

J'aime pas plus les gens de mon âge. Bandes de caves, j'voudrais les tuer eux aussi.

En fait, dans cet état, j'ai toujours envie de tuer tout le monde, particulièrement les enfants et les bébés.

Et je l'ai vu.

Tout seul dans son carosse, il tirait répétitivement sur une manche de chandail crème arroché à un cintre dans l'allée. Sa mère était de dos et fouillait dans les vêtements.

Moi j'étais furieuse, je me dirigeais d'un pas hâtif et décidé vers la sortie, avec une envie d'air frais et de meurtre.

Quand je l'ai vu, lui.

De grands yeux bruns, innocents. Un petit visage bien rond, tout brun et une mince touffe de cheveux crêpus sur le dessus, noirs. On aurait dit un lindor. Je me suis arrêtée, j'ai reculé, je suis restée là, clouée sur place.

Un bébé ça a l'habitude des gaga-gougou que les vieilles femmes envieuses et les jeunes futures mères esquissent devant eux.

Ça a l'habitude d'avoir l'attention, de se faire dire qu'ils sont beaux.

Je l'ai fixé en souriant. Sa mère ne m'a même pas remarqué, trop occupée à voir le linge autour d'elle.

Pendant qu'elle cherchait, moi j'avais trouvé.

Je me suis accroupie, je lui ai tendu la main, toujours en souriant.

Il a serré mon index.

J'ai failli partir à pleurer, j'avais les larmes aux yeux.

Je suis restée là un bon 10 minutes. Quand j'ai vu que sa mère allait le déplacer, je me suis dis qu'il était temps de partir. Je lui ai souris.

Il ne souriait pas, il me regardait, curieux. Un regard qui ne comprend pas, un regard qui essaie pourtant.

J'aime pas les enfants qui sourient, je préfère ceux qui ont l'air surpris.

"He's adorable"

Et je suis partie émue.

1 commentaire:

Amélie a dit…

Je t'aime tellement, Hélène.

Y'a que toi pour me faire vivre des émotions comme ça à travers de tes écrits.

Merci !